Nous sommes parvenus à un tournant dans les recherches sur la traduction. Au cours des vingt dernières années, les recherches sur la traduction se sont peu à peu autonomisées, se dégageant de la périphérie de disciplines — stylistique, linguistique, littérature comparée, notamment — qui, sans pouvoir les accueillir vraiment, ne parvenaient pas non plus à s’en passer tout à fait. Loin des idées reçues, Antoine Berman et Henri Meschonnic ont posé les jalons d’une véritable critique des traductions, mais celle-ci s’édifie encore, le plus souvent, sur la base des seuls textes édités. Or, l’édition des traductions est, plus que toute autre, soumise à révisions, transformations, interventions, de sorte qu’elle ne donne pas toujours un reflet exact de ce qu’a été le véritable travail du traducteur. Convoquer l’approche génétique pour aborder les traductions et ainsi étayer plus solidement la recherche dans ce domaine apparaît donc aujourd’hui comme une démarche indispensable, d’autant que, en essence, la traduction est d’abord processus.
Fabienne Durand-Bogaert est une traductrice. Depuis 2009, elle a engagé un travail de recherche sur la question des affects et des percepts en traduction. Elle est professeur agrégé (PRAG) au Centre de recherches sur les arts et le langage de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).